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LA CHANSON PAILLARDE
épisode 1 : innocentes chansons
à propos des chansons paillardes
par Eric Mie


 

 

Paillard(e) : Proprement, celui, celle qui couche sur la paille.

Bien sûr, on chante des textes érotiques ou licencieux depuis la nuit des temps. Les soldats Grecs et Romains, par exemple, avaient le droit de chanter des chansons obscènes, où étaient dénoncées leurs mœurs sexuelles, aux cours des cérémonies organisées pour les victoires. Et l’on trouve dans «Le Cantique des Cantiques» livre canonique de l’ancien testament, écrit dans la deuxième moitié du premier millénaire avant Jésus Christ en langue hébraïque, des passages très sensuels signés par Salomon.

Tes deux seins sont comme deux faons, Comme les jumeaux d'une gazelle, Qui paissent au milieu des lis.
Que de charmes dans ton amour, ma soeur, ma fiancée! Comme ton amour vaut mieux que le vin, Et combien tes parfums sont plus suaves que tous les aromates!
Tes lèvres distillent le miel, ma fiancée; Il y a sous ta langue du miel et du lait, Et l'odeur de tes vêtements est comme l'odeur du Liban.
Tu es un jardin fermé, ma soeur, ma fiancée, Une source fermée, une fontaine scellée.
J'entre dans mon jardin, ma soeur, ma fiancée; Je cueille ma myrrhe avec mes aromates, Je mange mon rayon de miel avec mon miel, Je bois mon vin avec mon lait... -Mangez, amis, buvez, enivrez-vous d'amour! -
Ta taille ressemble au palmier, Et tes seins à des grappes.
Je me dis: Je monterai sur le palmier, J'en saisirai les rameaux! Que tes seins soient comme les grappes de la vigne, Le parfum de ton souffle comme celui des pommes,
Et ta bouche comme un vin excellent,... Qui coule aisément pour mon bien-aimé,
Et glisse sur les lèvres de ceux qui s'endorment !

Des grands auteurs et trouvères ont écrit au 16e siècle des poèmes et des chansons que l’on peut appeler érotiques tels François RABELAIS, François VILLON ou RONSART. Mais je ne vais pas me pencher sur leurs oeuvres car elles appartiennent plus au domaine littéraire qu’à la chanson populaire. Et dans ce domaine, on n’entrera réellement en paillardise qu’à partir 18ème siècle grâce, entre autres, à la Révolution Française. Avant les chansons, dites légères ou polissonnes, usaient de non-dit, de fausses rimes ou de codes pour dissimuler l’érotisme, car le clergé n’autorisait naturellement pas que le peuple chante ouvertement des chansons trop pornographiques. Ces chansons sont tous devenues pour la plupart des airs que l’on fait encore chanter aujourd’hui à nos chers petits sans savoir que le diable s’y cache encore dedans…
«Il était une bergère» par exemple car qui sait aujourd’hui que «laisser le chat aller au fromage» signifie perdre son pucelage ?
Ou encore «Au clair de la lune» car «battre le briquet» veut dire : faire l’amour.
«Savez-vous planter des choux ?» Sachant que les enfants naissent dans les choux, l’énumération des différentes façons de les planter frise l’obscénité. (Avec le doigt, les mains, les pieds etc.)
«La Mère Michel» naturellement. Le chat ayant été toujours le symbole pour désigner le sexe féminin (aujourd’hui encore c’est la «chatte») cette chanson raconte la virginité envolée de madame Michel.

C'est la mère Michel qui a perdu son chat / Qui crie par la fenêtre à qui le lui rendra / C'est le père Lustucru qui lui a répondu : / - Allez, la mère Michel, votre chat n'est pas perdu !...

«Le Furet». Tous les enfants chantent cette chanson qui a l’air totalement innocente sans savoir que «Il court, il court le furet» est une contrepèterie…

Il court, il court, le furet / Le furet du bois, Mesdames / Il court, il court, le furet / Le furet du bois joli. / Il est passé par ici / Il repassera par là.

«A la claire Fontaine» Ah là je vois vos yeux s’écarquillés : Ah non quand même pas «A la claire Fontaine» tout de même !!!... Et bien si ! Cette chanson, qui servit de chant national aux patriotes franco-canadiens, lors de la grande révolte de 1837 contre l’hégémonie anglaise, est en fait une chanson érotique dans la plus pure tradition d’avant la Révolution. Il faut savoir que le rossignol dans la chanson traditionnelle a toujours été le symbole de l’amour. Si, en plus, celui-ci chante, c’est encore plus chaud. Et tout ce qui parle de l’eau (rivière, étang, fontaine) est symbole de l’intimité féminine. Une fleur est associée à l’idée de séduction et aux prémices de l’amour et la rose en symboliserait la concrétisation. Donc dans une chanson trad, si vous avez un rossignol plus une fontaine et plus un bouquet de roses, c’est carrément porno. Dans la plus ancienne version de cette chanson «le bouquet de roses» était remplacé par un «bouton de rose».

J’ai perdu mon ami / Sans l’avoir mérité / Pour un bouton de rose / Que je lui refusais…
A la fin de la chanson, la belle regrette son écart :
Je voudrais que la rose / Fût encore au rosier / Et que le rosier même / Fût encore à planter.

Dans une autre version trouvée dans l’excellente «Anthologie de la chanson française» de Marc ROBINE l’aspect érotique de l’œuvre est encore moins dissimulé :

J’ai perdu mon ami / Mon ami que j’aimais / Pour un bouton de rose / Que trop tôt j’ai donné.

«Nous n’irons plus au bois» : Cette chanson connut une grande popularité au 18ème siècle, et particulièrement à la cour de Versailles. Versailles et ses jardins, dont les buissons abritaient de tendres rendez-vous secrets lorsqu’ils n’étaient pas taillés. Or quand la favorite du Roi Louis XIV fût Madame de Maintenon, elle, qui avait une grande influence, faite de rigueur et d’austérité sur le roi, demanda que fussent coupés ces buissons faits de laurier afin qu’il n’y ait plus d’ébats amoureux… Mais la fin de la chanson, dans laquelle il est question aussi de Rossignol, est plutôt pleine d’espoir pour les libertins de l’époque :

Cigale, ma cigale ! / Allons, il faut chanter ! / Car les lauriers du bois / Sont déjà repoussés.

On pourrait en citer encore plein de ces chansons qui paraissent anodines et qui recèlent des symboles érotiques. Sachez qu’il en existe quand même une qui était réellement libertine et qui fût chantée bien avant la révolution. C’est l’exception qui confirme la règle et c’est «Jeanneton prend sa faucille» qui est donc la première et l’une des plus anciennes chansons paillardes. On en trouve une version archaïque dans «La Fleur de toutes les plus belles chansons qui se chantent en France», un recueil publié en 1614. Par contre les deux derniers couplets, de la version actuelle, avec leur pseudo-morale, sont des ajouts du 19ème siècle.

La morale de cette histoire / C'est que les hommes sont des cochons / La morale de cette morale / C'est que les femmes aiment les cochons.

Et moi aussi je suis un cochon...

Eric Mie